Asta - Tonight is gonna be the loneliest

Lorsque Liv voit le jour, elle est la cadette d'une grande fratrie, membre de la Griffe Hivernale. Elle voit le jour sous les regards tendres ou fascinés de ses frères, ses sœurs et ses parents. Tous ont les cheveux blonds, de la couleur des blés durant l'été jusqu'à la teinte pure de la neige qui envahit toute la région durant les longs mois d'hiver. Et Liv ne déroge pas à la règle. Elle n'a que quelques cheveux, mais tout le monde peut voir leur teinte blond platine. Et malgré les cris de la nouvelle venue, elle est le nouveau petit miracle de la famille, comme tous ceux qui l'ont précédés.

Elle est belle Alice avec ses cheveux roux clairs, ses yeux bleus un peu trop grands, ses tâches de rousseur de partout et surtout le sourire si doux qu'elle adresse à Asta. Mais surtout elle est gentille. Elle ne devrait pas, elle sait que c'est interdit, mais elle s'en fiche. Elle n'a que six ans ans de plus que la petite blonde, mais elle la protège déjà de toutes ses forces quitte à se sacrifier dans l'équation. S'assurant qu'elle a toujours suffisamment à manger, faisant tout ce qu'elle peut pour qu'elle ne souffre pas du froid sous la robe col claudine réglementaire qui n'offre aucune protection, prenant parfois les punitions à sa place... Les supérieurs ne voient guère cette relation d'un bon œil. Ça va finir par lui retomber dessus, elle le sait Alice. Mais elle s'en fiche, continuant à prendre soin d'Asta, lui procurant un peu de l'affection nécessaire pour grandir sereinement, espérant un jour pouvoir fuir avec la petite fille à qui elle rêve d'offrir un meilleur avenir.

Lorsque Asta rouvre les yeux, elle n'est plus sur la table d'examen dans le laboratoire devenu si familier depuis le temps. Il faut dire qu'elle y passe beaucoup de temps depuis... Et bien toujours. Le Docteur l'aime bien, donc il accepte qu'elle vienne un peu avant le début de ses deux heures de séance hebdomadaires. Tant qu'elle reste silencieuse et qu'elle ne touche à rien cela lui convient. Des fois, quand il est de bonne humeur, il accepte de répondre à ses questions, il lui apprend deux trois petites choses. Mais là... Elle est dans une pièce dont elle ignore tout, allongée sur un matelas confortable, bien loin des paillasses du dortoir. Le Docteur l'observe avec les yeux brillants. Elle ne comprend pas très bien ce qu'il se passe, mais hoche la tête pour faire plaisir. Ce n'est que trois jours plus tard, lorsqu'elle entame son solo lors de la prière du matin qu'elle réalise en voyant les yeux de ses camarades, mais aussi des adultes se remplirent de crainte mêlée d'une dévotion qui confère au fanatisme. Son chant est désormais une arme du culte. Et bien qu'il en soit ainsi.

Ce n'est pas bien d'écouter aux portes. Tous les enfants apprennent cela de leurs parents. Quant à ceux qui n'ont pas de parents ? Et bien ils transgressent la règle et font basculer le destin de toute une communauté. Mais l'esprit d'Asta est bien loin de tout ça alors qu'elle se tient face au meurtrier d'Alice. Face à celui qui a sacrifié son propre fils sur l'autel. L'assistant de la Mère Supérieure. Asta n'a jamais eu le pardon facile. Elle ne s'est jamais pardonné de ne pas avoir su protéger Eirik. Mais aujourd'hui, elle a trouvé plus responsable qu'elle dans la débâcle de ces dernières années. Et il va payer. Ils vont tous payés. Tout ceux qui n'ont fait semblant de ne rien voir. Tout ceux qui n'ont rien fait. Personne n'est innocent. Aujourd'hui signe la fin de cette gigantesque mascarade. Qu'ils aillent donc retrouver leur si cher dieu tout puissant. Alors Asta a soigneusement verrouillé toutes les portes, cadenassé toutes les issues des quartiers des adultes, ne laissant comme seule ouverture que celle par laquelle elle s'enfuira pour ne pas mourir à leurs côtés. Et pour la première fois depuis plus d'un an, elle chante de son plein gré, plongeant le meurtrier dans un de ses pires cauchemars avant de faire apparaître son si précieux dieu lui ordonnant de mettre le feu à l'endroit. Bientôt l'odeur entêtante de l'essence envahit les lieux tandis qu'Asta ne cesse son chant en refermant doucement la porte derrière l'assistant qui vient de couvrir les lieux d'essence. Le cliquetis du verrou qui se ferme lorsqu'elle tourne la clé dans la serrure. Derrière la porte, le craquement d'une allumette. Sa voix qui se tait enfin. Et bientôt les cris alors que l'assistant reprend contact avec la réalité, horrifié devant la mort qui s'approche. Et Asta espère qu'il souffrira. Elle s'en va dans une autre partie du bâtiment, sortant le couteau sacrificiel qu'elle a volé, prête à payer à son tour pour ses actes. C'est une main sur son épaule qui l'arrête, bientôt suivie par une main bien plus petite qui se pose sur son genou. Alice et Eirik se tiennent devant elle. Le petit garçon l'observe de ses grands yeux bleus tandis que sa mère secoue la tête sans un mot. L'heure n'est pas venue pour elle. Alors Asta se redresse, pleurant et toussant à cause de la fumée qui envahit les lieux. Elle avance difficilement, se tenant au mur, mais alors qu'elle aperçoit enfin la porte de sortie principale, un craquement sinistre retentit au-dessus d'elle. Puis la douleur explose dans son poignet gauche. Foudroyante. Asta hurle, de toutes ses forces. Une poutre  à moitié rongée par les flammes s'est détachée et est tombée sur son poignet qu'elle n'a pas eu le temps de retirer, la clouant au sol. Un instant avant que la douleur ne la plonge dans l'inconscience, la jeune fille songe avec amertume que le dernier tour de passe-passe de son cerveau aura été le pire. Alice et Eirik sont morts, comment pourraient-ils lui apparaître ? Enfin tout cela ne comptera bientôt plus alors qu'elle s'apprête à les rejoindre.