Something just like this (ft. Rafael)

Asta sourit en passant sa main dans le pelage de Mads "-Oui, oui, ça arrive un instant !". Comme à chaque fois que l'heure du dîner approche, son compagnon devient intenable, mais ça ne fait que provoquer un sourire sur les lèvres de la jeune fille. Elle préfère le voir comme ça plutôt que tellement affamé qu'il n'aurait même plus la force de bouger. Elle avance avec précaution avant de finir par déposer la gamelle à l'emplacement réservé, laissant Mads s'empiffrer allégrement avec ce qu'elle lui a préparé. Elle prend toujours la peine de faire à manger pour lui. Rafael lui a déjà proposé d'acheter des croquettes toutes prêtes qu'elle aurait juste à verser dans la gamelle, mais Asta s'y refuse. Elle a la chance de pouvoir bien manger aujourd'hui, correctement et à sa faim et c'est quelque chose qu'elle veut partager avec son compagnon à quatre pattes. Elle prend plaisir à faire à manger pour lui et dès le début elle avait cherché à faire les choses bien. Rafael l'avait aidé en emmenant Mads chez le vétérinaire qui avait conçu pour elle un document résumant les apports nutritionnels nécessaires et les différentes directives à suivre. C'était avant qu'elle ne sache vraiment lire de façon fluide, elle avait donc appris le document par cœur. Malgré tout, encore aujourd'hui, la feuille plastifiée était accrochée à la porte du frigo. Mais elle pouvait être fière : Mads avait bien grandit, sans carences ni gros soucis de santé et surtout en étant heureux. C'était bien ce dernier élément qui la comblait réellement.  

Elle laissa Mads à son repas et se redressa en époussetant sa robe. Son propre repas était prêt depuis un moment, mais comme souvent, elle attendait le retour de Rafael pour partager le dîner en sa compagnie. Elle avait eu le temps de faire le repas puis de se laver et de se changer, peu désireuse de se présenter devant le propriétaire en sentant la friture. Elle retourna dans la salle à manger, vérifiant que tout était prêt. La table était mise, la musique résonnait doucement dans la pièce, en somme seul le propriétaire des lieux manquait à l'appel. Alors que la jeune fille allait vérifier l'heure, un peu inquiète de ne pas le voir arriver, la porte de la salle à manger s'ouvrit, laissant apparaître Rafael dans l'encadrement. Immédiatement, un sourire vint se peindre sur les lèvres d'Asta "-Bonsoir Rafael. Tu as passé une bonne journée ?". Si les paroles étaient aussi respectueuses qu'à son habitude, son ton était dénué de sa retenue habituelle. Elle se sentait en confiance avec l'homme et la réponse l'intéressait vraiment. Asta se sentait bien derrière les murs de la demeure Arvino, elle se sentait en sécurité. Elle sortait bien sûr : pour faire les courses, pour se promener seule ou en compagnie de Mads, ou simplement pour se rendre à droite ou à gauche, mais cela ne consistait pas en la majorité de son emploi du temps. Pour autant, cela ne signifiait pas qu'elle n'était pas parfois curieuse de savoir ce qui se passait au-dehors. Dans ces moments-là, Rafael devenait alors une source d'informations de premier choix.

Elle s'éclipsa dans la cuisine le temps d'attraper le saladier et de vérifier que le plat qu'elle avait laissé au chaud dans le four n'était pas en train de secrètement continuer sa cuisson. Comme tout avait l'air d'aller plutôt bien, elle revint rapidement pour poser le plat sur la table en annonçant "-Salade avocat, mangue et saumon avec un peu d'oignons rouges et de piment. J'ai trouvé la recette dans un des livres de cuisine de la bibliothèque, je pense que ça devrait être plutôt bon. J'ai pris la liberté d'ajouter quelques épices en plus, tu me diras ce que tu en penses.". Elle les servit tous les deux que ça soit en nourriture ou en boisson. Dans le même temps, Mads entra dans la salle à manger pour aller s'installer dans le coin qui lui était réservé. Avec l'autorisation de Rafael, la petite blonde avait aménagé un endroit confortable pour son ami dans les principales pièces de la maison. Elle voulait qu'il se sente chez lui autant qu'elle se sentait chez elle et heureusement, son tuteur avait compris. Elle se rassit enfin et lui adressa un sourire "-Bon appétit !". Elle connaissait bien les goûts de Rafael maintenant et elle était plutôt sûre d'elle quant au fait que cela allait lui plaire, mais bon... On n'était jamais à l'abri d'une mauvaise surprise.

Le sourire que Rafael lui adresse après quelques bouchées réchauffe le cœur d’Asta. Elle a visé juste une fois de plus et rien ne pourrait lui faire plus plaisir. S’occuper de la demeure Arvino avait semblé être une évidence. Elle ne savait rien faire d’autre, rien de véritablement utile en tout cas. Alors elle s’était mise à cuisiner et à nettoyer et avant même de s’en apercevoir, elle s’était créé une petite routine quotidienne qui durait depuis quatre ans maintenant. C’était rassurant la routine en un sens. Pas de question à se poser, pas d’angoisses à avoir, elle avait juste à faire. Elle savait ce qu’elle devait faire, comment étaient organisées ses journées et c’était très bien comme ça. Parfois elle se demandait si elle ne préférerait pas explorer le monde, en apprendre plus par elle-même… Mais rester aux côtés de Rafael lui convenait et si un jour elle devait partir ce qui se cachait au-delà de l’horizon, elle voulait que cela soit en sa compagnie. Elle mangeait distraitement, son cerveau s’étant, comme souvent, perdu dans le dédale de ses propres pensées. Mais pour une fois, l’homme n’eut pas besoin de l’appeler cinq fois pour qu’elle revienne à la réalité, ce qui était quasiment un miracle. Elle secoua la tête en réponse, sachant que Rafael ne lui en tiendrait pas rigueur « -Je n’ai pas eu le temps, j’ai eu un imprévu et j’ai dû aller faire les courses en vitesse. Finalement quand j’ai eu un moment de libre, je me suis mis au piano et je n’ai pas vu le temps passer. ». Elle ne pouvait plus vraiment chanter, alors elle avait trouvé un nouvel exutoire dans l’art et plus particulièrement dans la musique. Elle avait testé les différents instruments disponibles dans la maison et si beaucoup lui avaient plu, le piano restait son favori. Il fallait aussi dire que si Asta aimait la créativité et toutes les formes d’art, la musique avait une place toute particulière dans son cœur. Alors aujourd’hui, lorsqu’elle avait dû choisir entre se plonger dans les livres passionnants mais compliqués traitant des mathématiques appliqués à l’art et juste s’asseoir au piano et se laisser emporter, la décision n’avait pas été bien difficile à prendre.

Elle tourna la tête vers Mads lorsque Rafael l’interrogea à son sujet et eut un petit sourire sans quitter son compagnon des yeux « -Je crois qu’il a passé une bonne journée. Il s’est bien dépensé dans le jardin une bonne partie de l’après-midi à courir après tous les oiseaux qui passaient. ». Comme s’il avait compris qu’ils parlaient de lui, Mads releva la tête vers eux et leur lança un bref aboiement avant de repartir à son repos bien mérité. Asta eut un petit rire en le voyant faire. Ce chien était intelligent avec un grand cœur, bien plus que la plupart des êtres humains à ses yeux et elle l’adorait. Elle finit par revenir à son assiette qu’elle termina rapidement en continuant de discuter un peu avec Rafael. Elle jeta un œil à son assiette et en la voyant vide, elle se redressa « -Je vais chercher le plat de résistance, je reviens. ». Elle attrapa le saladier et disparut dans la cuisine.

Lorsqu’elle revint moins de deux minutes plus tard, elle posa les plats sur la table avant d’annoncer « -Patates douces, courgettes, poivrons et tomates, le tout cuit au four. J’ai également préparé un peu de riz pour aller avec. ». Rien de sorcier, mais faire simple ne voulait pas dire que ce n’était pas bon. Elle prit le temps de les servir tous les deux avant de se rasseoir pour commencer à manger. Puis finalement, elle aborda le sujet qui l’intéressait depuis que Rafael en avait fait mention au début du repas « -Concernant le projet de rénovation pour les zones embrumées… Ça veut dire qu’ils ont réussi à en récupérer certaines ? Ou c’est plus… Une idée pour quand ça sera fait ? ». Toute sa vie, on avait dit à Asta que ce pays n’était pas le sien, qu’un jour ils retourneraient d’où ils venaient dans ce pays froid et rude, mais honnête. Entier. Aujourd’hui, tout ceux qui lui avait affirmé cela n’étaient plus de ce monde, mais la jeune fille y songeait encore parfois. Elle se disait que peut-être un jour si la Brume Noire se retirait des contrées de Freljord et si Rafael était d’accord, alors peut-être qu’elle irait à la rencontre de ses racines, ce pays dont elle ne connaissait rien, mais dont on lui avait tant parlé. Enfin, si elle n’était pas morte avant, ce qui était peu probable au vu du rythme auquel les choses avançaient.

En prévision du futur… Est-ce que cela signifie qu’aucune avancée n’a été faite ? Asta l’ignore et elle n’ose pas poser plus de questions, reprenant une nouvelle bouchée de son plat, espérant secrètement que Rafael va développer sa réponse. Sa patience est rapidement récompensée, même si ce n’était pas la réponse qu’elle espérait entendre, elle doit bien l’avouer. Mais si Rafael estime que l’équilibre est une bonne chose, alors la jeune femme lui fait entièrement confiance. Malgré tout, elle n’aime pas l’entendre avouer son ignorance, même partielle. Pour elle, Rafael est celui qui sait, celui qui prend les décisions en connaissance de cause car il a toutes les cartes en main. Et l’entendre avouer son manque d’informations, n’a rien de rassurant. Pourtant, elle sait que tout ira pour le mieux pour eux tant que c’est lui qui est aux commandes. Et quand elle s’est promit de le suivre jusqu’au bout, ce n’était pas uniquement pour les bons moments, mais aussi dans les instants plus compliqués. Sa loyauté va bien au-delà de sa peur et de son ignorance car Rafael pèse bien plus lourd dans la balance à ses yeux que ces sentiments.

Un reniflement amusé se fait entendre lorsqu’il la compte dans les puissances et les savoirs regroupés dans cette ville où elle ne se sent pas vraiment chez elle. Elle ne se considère pas comme puissante et encore moins comme instruite elle qui savait à peine lire il y a seulement quelques années encore. Elle a le sentiment d’être insignifiante dans ce vaste monde, et c’est quelque chose de rassurant. Cela ne devient une angoisse que lorsqu’elle songe qu’elle pourrait bien l’être également aux yeux de Rafael. Cependant, elle n’argumente pas, préférant l’écouter encore. Elle préfère quand c’est ainsi, quand c’est Rafael qui parle et qu’elle l’écoute simplement. Elle a la sensation d’apprendre plus de choses, mais aussi de se rapprocher de lui dans ces moments-là, en particulier lorsqu’il en vient à lui raconter ses journées ou bien à lui livrer les réflexions qu’il nourrit sur divers sujets. Et c’est en l’écoutant qu’elle comprend que pour l’instant, il n’est pas question que ces étudiants mettent leurs savoirs en œuvre pour une éventuelle reconstruction. Que ce n’est qu’en l’espoir qu’un jour, dans plusieurs années voir dizaines d’années, ces terres qui ont un jour été fourmillantes de vie puissent le redevenir. Sans doute qu’elle ne verra rien de tout ça. Surtout que Freljord est bien loin de Piltover… Même en admettant que la Brume Noire se retire de ses contrées natales à l’instant même, ils ne pourraient toujours pas y accéder car il faudrait pour cela traverser les zones contaminées.

Plongée dans ses pensées, la jeune fille joue plus avec la nourriture qu’elle ne mange réellement, les yeux dans le vague. Elle en sort finalement en entendant la voix de Rafael qui l’interpelle à plusieurs reprises. Depuis quand tente-il ainsi d’attirer son attention ? « -Excuse moi, j’étais ailleurs. Qu’est ce que tu me disais ? ». Lorsqu’il repose sa question, il semble étrangement sérieux, à tel point que ses couverts ne sont plus dans ses mains, note la jeune fille. Il ne lui vient pas un seul instant l’idée de mentir. Elle ne peut pas mentir à Rafael, et même si elle le pouvait, elle ne le voudrait pas. Alors, comme elle le fait parfois, mais seulement avec lui, elle se confie calmement « -Je n’ai aucun souvenir de Freljord. Je me demandais simplement si un jour j’aurais l’opportunité de la voir autrement que dans les livres d’images. Je me disais que si un jour la Brume Noire disparaissait, on pourrait aller ensemble là-bas si tu étais d’accord. ». La note d’espoir s’est gommée de sa voix sous l'effet de la réalisation tandis qu’elle raconte ce qui lui a traversé l’esprit il y a quelques instants. Les mots de Rafael lui ont bien fait comprendre que la reprise des contrées qui leurs ont été volées n’était pas à l’ordre du jour. Actuellement, ce qui compte, c’est essayer de survivre, maintenir l’équilibre car c’est déjà une victoire en soi de faire en sorte que la Brume Noire ne déferle pas sur l’un des derniers bastions de vie qui existe. Peut-être qu’elle aurait eu une chance si elle avait été de bonne constitution. Mais au final, même si elle survivait jusqu’au retrait de la Brume Noire, entreprendre un tel voyage avec ses problèmes de santé serait sans doute impossible. Bien sûr elle le ferait si Rafael le lui demandait. Mais la décision ne viendrait pas d’elle.